Les jeunes : victimes de surconsommation ?

Posted on 8:11:00 AM by marketing manager



Le ligueur des parents 
 

Les jeunes ont un pouvoir d’achat et ils le consomment



Les comportements de consommation varient en fonction de différents paramètres, notamment l’âge, le milieu et le sexe : « Les garçons consacrent d’avantage d’argent à des CD, du matériel informatique et de l’alcool ; les filles investissent plutôt en vêtements, cadeaux et cosmétiques » (Effectuer des achats en tant que jeune et mineurs. Droits et obligations, CRIOC, 2002).


D’autre part, le jeune est un « prescripteur d’achat » : il influence considérablement les achats de la famille. De l’alimentation au matériel hi-fi et électroménager en passant par la voiture et les loisirs, environ 9 jeunes sur 10 font eux-mêmes le plein du caddy familial, surtout à partir de 15 ans (Le jeune, prescripteur d’achat, CRIOC, 2003).

Enfin, le jeune est un « consommateur tribal » : sa consommation est dictée par l’envie d’appartenir à un groupe et de s’identifier à ce groupe. S’il ne possède pas LE produit auquel adhèrent ses copains, il craint d’être exclu du groupe.


Prévenir ou guérir ?

 
Nous l’avons dit plus haut, les jeunes sont particulièrement sollicités par les campagnes publicitaires. Il est vrai qu’ils y sont très réceptifs : « Les enfants démarrent au quart de tour. En quelques secondes, ils vous citent sans aucune hésitation le yaourt aux fruits qui rend costaud, la poudre à lessiver qui pénètre au cœur du linge ou le dernier monospace qui emmènera toute la famille au supermarché. Pas de doute, la publicité atteint son objectif » (1). Faut-il pour autant considérer les jeunes comme les victimes privilégiées des démarches commerciales agressives et les protéger en conséquence ?

Il faut bien entendu constater que les adultes (nous, donc !) ne sont pas à l’abri des stratégies marketing. Eux aussi font l’objet d’études et de recherches visant à identifier leurs besoins afin de développer des produits adaptés et des services toujours plus attractifs. Eux aussi se retrouvent catégorisés dans des groupes spécifiques et sont la cible de messages publicitaires savamment élaborés (les sportifs, les femmes, le jeune cadre dynamique, etc.). Eux aussi sont des sujets de consommation et même de surconsommation qui ont besoin d’être éclairés et parfois aidés. Les mineurs ne représentent donc qu’un groupe de consommateurs parmi tant d’autres.


Mais ce groupe est particulièrement identifiable et exploitable parce que les jeunes sont encore plus vulnérables et réceptifs que leurs aînés et parce que les conséquences de la surconsommation chez les jeunes peuvent être encore plus graves du fait de leur insolvabilité de principe. De plus, le discernement et l’autonomie du mineur doit être appréciée tout à fait différemment selon la tranche d’âge :  entre un enfant de 8 ans et un jeune de 17 ans, le degré de maturité présente une marge considérable.

La Ligue des Familles est donc particulièrement attentive et appelle à une grande vigilance : la crédulité des plus jeunes les rend très perméables aux messages commerciaux qui créent chez eux des réflexes de consommation et une image faussée des besoins. En grandissant, le potentiel économique croît et les risques de surconsommation menant au surendettement augmentent. De plus, selon l’Observatoire du crédit et de l’endettement (Le crédit et les jeunes, octobre 2001),  « L’argent et les services financiers appartiennent à un monde complexe (…). La connaissance en matière de crédit est totalement déficiente chez les jeunes. (…) Il en résulte un manque d’expertise jusqu’à la première confrontation avec celui-ci (…) ».

Le débat se pose alors : faut-il privilégier l’éducation à la consommation ou légiférer en vue d’interdire certaines pratiques et de renforcer la protection des jeunes consommateurs ? Il semble qu’un compromis entre les deux solutions soit idéal.

La pertinence des politiques de prévention et des campagnes d’information n’est pas à discuter. Il serait d’ailleurs bon de « pousser le bouchon un peu plus loin » en développant des outils et en instaurant des stratégies d’éducation à la consommation. C’est valable tant pour les adultes que pour les enfants. Ces derniers formant un groupe particulier, le message doit lui aussi être particulier : adapté selon l’âge et véhiculé dans des lieux appropriés. Il serait utile, notamment, d’initier les jeunes en matière de crédit et d’éveiller leur sens critique par rapport aux pratiques commerciales. Comme le rappelle le CRIOC : sans éducation, le jeune livré à lui-même se transforme en porte-monnaie ambulant.

Les parents sont bien entendu les premiers éducateurs de leurs enfants. Ils doivent donc se tenir informés et rester attentifs aux techniques de vente développées au détriment des jeunes mais aussi à leurs propres dépens : il ne faut pas que les modèles véhiculés par la publicité deviennent des référants en lieu et place des principes éducatifs des parents. Cependant, dans une optique de soutien à la parentalité, la Ligue des Familles rappelle à quel point il est primordial d’aider les familles à mieux cerner les enjeux en cause et à transmettre aux enfants les bonnes clés d’interprétation face aux messages publicitaires. En effet, les jeunes et leurs parents abordent difficilement les questions d’argent ensemble car le sujet les met mal à l’aise. 

L’école est un autre lieu privilégié pour mettre en place un apprentissage encadré de la consommation responsable. Là aussi, la Ligue insiste pour que les enseignants et les éducateurs bénéficient de formations et d’outils en la matière afin de dispenser des cours spécifiques ou d’intégrer l’éducation à la consommation dans les cours existants (pas seulement dans les options sciences sociales et sciences économiques) : comment gérer un budget, analyser la publicité, comprendre le crédit, etc. Par exemple, en France, l’Institut National de la Consommation a créé un instrument original : la « pédagotèque », une sélection de documents à vocation pédagogique concernant la consommation, sous forme de base de données (www.conso.net).

Enfin, il existe des centres spécialisés dans l’éducation à la consommation, qui méritent d’être encouragés et qu’il faudrait multiplier. Ils disposent généralement d’un service de médiation de dettes, ils proposent des modules de formation et ils effectuent des animations dans les écoles primaires et secondaires. Pensons notamment aux écoles de consommateurs mises en place par l’Observatoire du crédit et de l’endettement, à Infor jeunes, au Groupe d’Action Surendettement dans le Luxembourg, au Centre d’Education à la Consommation de l’ASBL Entraide et Culture à Bruxelles, ou encore au Centre de référence du Hainaut qui a mis au point un jeu d’éveil destiné à déjouer les piège de la consommation. « L’idée n’est pas de diaboliser l’acte de consommer ou encore la publicité, mais bien d’attirer l’attention sur les envies sans cesse générées, la nécessité dès lors de faire des arbitrages et de mettre en œuvre au quotidien une consommation réfléchie » (2).

Par contre, la Ligue des Familles estime qu’il n’est pas souhaitable de voir s’immiscer dans l’éducation des jeunes, les opérateurs économiques eux-mêmes. Que les marques et les établissements bancaires développent des documents à l'intention des jeunes n’est qu’un prétexte pour véhiculer leur image, surtout si ces documents sont utilisés dans le contexte scolaire ! De même, il est paradoxal et fourbe de la part des annonceurs de proposer des packs soit disant pédagogiques aux écoles, comme le programme Media smart, initié en Belgique par le Conseil de la publicité (instance regroupant des annonceurs, des agences de publicité, etc.), dans lequel sont impliquées des firmes telles que Mc Donald’s ou Danone. Fort heureusement, ces initiatives ne reçoivent pas le soutien de la Communauté française, qui les désapprouve et semble préparer un module de formation adapté, en ses propres murs (Centre d’éducation aux médias, www.cfwb.be/cem) !

Par ailleurs, il existe bel et bien des carences législatives : la prévention et l’éducation sont efficaces mais pas forcément suffisantes et les lois existantes sont largement déficientes (essentiellement : lois sur les pratiques du commerce et loi sur la protection de la vie privée).


Par exemple, en matière de publicité, les recommandations faites depuis 2000 par le Conseil de la consommation (où siège d’ailleurs la Ligue des Familles), concernant les périodes promotionnelles autour des fêtes enfantines (Noël, St Nicolas, Halloween, etc.), ont reçu très peu d’écho. Cela illustre bien l’inefficacité de l’autorégulation en matière commerciale : l’autodiscipline de la part des annonceurs et distributeurs ne répond en rien aux objectifs de protection des jeunes consommateurs. Seule une réglementation contraignante peut y remédier.



De même, « réguler la publicité à travers la création d’un observatoire de la publicité et légiférer en matière de pratiques commerciales représente une responsabilité importante des pouvoirs publics » (L’enfant prescripteur. Comment les marques utilisent-elles le marketing générationnel, CRIOC, 2005).


En conclusion


Certains estiment qu’il ne faut pas se substituer aux parents, ne pas sur-protéger les enfants, ne pas adopter une attitude moralisatrice… D’autres considèrent qu’il faut encadrer le pouvoir d’achat des jeunes, aider les parents dans leur tâche éducative… La question n’est certainement pas résolue aujourd’hui et les études ne sont pas unanimes. Il est difficile de rester cohérent et de prôner l’une ou l’autre manière d’agir, de façon exclusive. Il n’y a pas de recette miracle !

Toutefois, la Ligue des Familles enjoint les pouvoirs publics à prendre à bras le corps la question de l’éducation à la consommation et de la protection des jeunes consommateurs, afin d’enrayer les processus commerciaux pervers qui induisent des comportements de consommation irréfléchis voire compulsifs. Il est impératif de stimuler les initiatives et de soutenir les parents en matière d’éducation aux médias et à la consommation : prendre le temps de discuter avec les enfants, de comparer, d’envisager d’autres façons de satisfaire leurs désirs, éveiller leur sens critique et les placer devant des choix. L’objectif est que l’argent soit un outil éducatif qui participe à la construction de l’identité du jeune mais pas un moyen de le rendre dépendant de son pouvoir d’achat.

Tout cela doit bien entendu pouvoir être mis en pratique au sein même de la famille. Des outils de sensibilisation et d’aide aux parents doivent être promus afin que les familles soient en mesure de mener des débats ouverts et éclairés sur ces questions.
La Ligue des Familles, reconnue association représentant les consommateurs, revendique des moyens à cette fin. Le soutien apporté par la Région wallonne à ce dossier est peut-être un premier pas.



(1)  N. COBBAUT, « Nos têtes blondes roulées dans la farine du marketing ? », En Marche, 1er février 2001.
(2)   « Publicité commerciale à l’école », Carte blanche Mutualité Socialiste, Ligue des Familles, Femmes Prévoyantes et Crioc, Du côté des consommateurs n° 165, 15 octobre 2004.

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