Coca-Cola VS Pepsi : la guerre des jeunes

Posted on 1:19:00 AM by marketing manager

Stratégies Magazine n°1359

La rivalité des deux marques s'intensifie sur les moins de 30 ans. Si Coca est gagnant en ventes et en présence à l'esprit, il doit se méfier de la stratégie de son challenger.
 
Les rois du soda entament le XXIe siècle avec la jeunesse en ligne de mire. Leader incontesté, Coca-Cola ne sait plus quoi inventer pour toucher les jeunes dans leur quotidien. Du téléchargement en ligne aux boîtes de nuit en passant par la scène de l'Olympia, la marque multiplie les opérations séduction. Pepsi, lui, crée l'événement avec « Samouraï ». Cette superproduction publicitaire de deux minutes (CLM BBDO) montre Beyoncé et Jennifer Lopez rivaliser d'acrobaties à la Kill Bill sous l'oeil impassible de David Beckham. Une communication de leader pour un challenger (voir graphiques).

Patrick Mercier, fondateur de l'agence de publicité Challenger House, a étudié ce face-à-face :« Pepsi applique l'art de la guerre selon Clausewitz : quand votre ennemi est plus grand que vous, il ne sert à rien de l'affronter avec les mêmes armes. Il faut l'attaquer sur une faille. En l'occurrence, Pepsi attaque Coca en ciblant les jeunes. »Le numéro deux mondial du soda, qui, depuis sa campagne avec Michael Jackson en 1984, trace le sillon de la jeunesse avec régularité, peut se targuer d'une cohérence sur cette cible.

La bataille de l'image est d'autant plus cruciale que la différence ne se fait plus vraiment sur l'innovation produit. Ce mois-ci, les deux marques dégainent en même temps une boisson au citron vert. Chez Coca, le nouveau Light Lime ne portera pas le sigle « interdit aux moins de 16 ans », mais c'est tout comme :« Avec ce produit, Coca Light cherche à recruter de nouveaux consommateurs chez les 25-35 ans,explique Derk Hendricksen, responsable marketing des marques Coca-Cola France.Le Light Lemon, plus accessible au palais, s'adresse lui aux 16-24 ans ».Côté Pepsi, le même parfum est aussi lancé sur le segment sans sucre, sous le nom de Pepsi Max Citron vert Citron, positionné sur les 15-35 ans.


 Une quête commune

Le marché des colas apparaît clairement dépendant du marketing. Mais pas n'importe lequel, analyse Patrick Mercier :« Pour toucher les jeunes, l'efficacité de la publicité est remise en cause. Il faut utiliser d'autres armes, tel le " buzz " ou le " street marketing ". »Sur ce terrain, Coca n'est pas en reste. Depuis deux ans, la marque peaufine sa stratégie pour devenir le compagnon privilégié du jeune d'aujourd'hui. Avec l'opération « Réveille ton talent » lancée en février avec l'agence de relations presse Opha, Coca surfe sur le concept de laStar Academy :casting national auprès des 12-25 ans avec, à la clé, une représentation à l'Olympia. Un spot annonce le casting dans les salles de cinéma.

Quand notre jeune sort du cinéma, il va sur le Net pour « chatter » et télécharger, entre autres, de la musique. Là encore, Coca-Cola l'attend. En partenariat avec NRJ, le site mynrjcoke music.com propose une sorte d'hypermarché du divertissement virtuel.« Quand on est une marque icône comme la nôtre,explique Derk Hendricksen,il faut savoir s'intégrer dans le paysage quotidien des adolescents en étant à la fois impactant et proche, partout où la jeunesse gravite. »Lorsque l'on vous dit partout, c'est partout. Quand, trop à l'étroit dans sa chambre, le jeune rejoindra le club branché du moment, Coca l'aura devancé et lui proposera une bouteille exclusive siglée « Coke » avec un espace aux couleurs de la marque. De quoi se désaltérer après l'animation « Coke night fusion », dont le lancement est prévu le 28 mars en France avec l'agence événementielle Le Public Système.« Quand je suis en boîte le vendredi soir, je veux que la marque me parle autrement,lance Derk Hendricksen.Nous nous efforçons de nous tenir sur le point d'équilibre entre le hors-médias et les médias pour toucher notre cible où elle se trouve, ou alors carrément sur une problématique transversale comme la musique. »Mais Coca-Cola France est loin de négliger le petit écran dans sa communication publicitaire. On se souvient de la campagne internationale « Chihuahua » en 2003 (agence McCann). Depuis, BETC Euro RSCG a signé quelques campagnes qui ont également marqué les jeunes Français.

Pour Pepsi aussi, la quête des jeunes va plus loin qu'un film TV avec des stars. Pascal Grégoire, président de CLM BBDO, l'agence chargée de la communication de la marque hors États-Unis, parle« d'advertainment »,ou publicité de divertissement.« Pepsi a identifié les deux thèmes préférés des 15-25 ans, le football et la musique, puis choisi les stars plébiscitées par les jeunes dans ces univers et les a mises en scène dans des communications événementielles pour créer de la connivence. »En 2004, la marque avait lancé le spot « Gladiateurs », dans lequel Britney Spears, Beyoncé, Pink et Enrique Iglesias croisaient le fer.« Les retombées presse ont été exceptionnelles »,assure Pascal Grégoire. Idem pour le nouveau spot « Samouraï » : presse people, ado ou télévision, chaînes et radios musicales, le sujet attire... même si la publicité ne sera pas visible dans l'Hexagone. Pepsi France n'a pas les moyens budgétaires de communiquer à la télévision sur sa gamme « regular » (l'équivalent du Coca-Cola Classic). Et mise donc sur les relations presse avec l'agence Hopscotch, des passages sur MTV ou du marketing viral sur Internet. L'ensemble des colas Pepsi (Max, Twist, X...) investira par ailleurs Internet pour une opération promotionnelle sur MSN Messenger en 2005.

Mais les faits sont têtus. En termes d'impact chez les jeunes, la notoriété du leader face au challenger est proportionnelle aux volumes des ventes. Dans une étude de l'agence Junium auprès des jeunes sur les marques « cool » et « fun », Coca est cité huit fois et Pepsi deux fois.« Coca-Cola est perçu comme une marque repère qui rassure au moment de la quête identitaire de sa cible,explique Catherine Lott-Vernet, présidente de Junium.J'en veux pour preuve l'appréciation portée sur les trois films publicitaires réalisés par Erick Zonca en 2001. Le spot le plus proche de la mélancolie adolescente a dérangé les jeunes, par rapport aux deux autres, plus optimistes. »Junium utilise aussi les forums des sites adolescents pour évaluer la notoriété des opérations marketing.« Là encore, c'est indéniable, on s'échange les points CokeUpToYou contre les McDeal de McDonald's mais Pepsi est rarement cité »,ajoute Catherine Lott-Vernet.


Bagarre d'image

Martine Pelier, directrice de la division Soft Drinks chez Pepsi France, le reconnaît :« Nous n'avons pas assez de moyens pour émerger, même si nous surinvestissons par rapport à notre part de marché. Pepsi n'a pas l'arrogance de chercher à rattraper Coca. Mais il veut offrir une alternative sur le marché des colas. »

La publication des résultats 2004 des deux multinationales a été l'occasion d'une nouvelle passe d'armes. Dans cette bagarre de l'image, PepsiCo marque des points dans la presse. Le 28 février, leFinancial Timesexpliquait comment la diversification du groupe alimentaire, au-delà des sodas, avait permis à son chiffre d'affaires mondial (29 milliards de dollars) de passer devant celui de Coca Cola Company (22 milliards). L'article se concluait sur une citation saignante d'un consultant spécialisé dans les boissons :« Pepsi a une culture optimiste qui encourage ses collaborateurs à bouger et à prendre des risques. Chez Coke, les gens ont toujours l'air d'avoir dix ou quinze ans de plus. »Si les jeunes consommateurs devaient un jour partager cette opinion, Coca-Cola aurait vraiment du souci à se faire.

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